Les dessous d'essais cliniques parfois mortels

Publié le 19 janv. 2016
Les dessous d'essais cliniques parfois mortels

D’après le CHU de Reims, 6 personnes auraient été hospitalisées la semaine dernière dans un état grave à la suite d’essais cliniques sur un nouveau médicament antalgique du laboratoire portugais BIAL. Une de ces personnes, d’ailleurs admise dans un état de mort cérébrale, est décédée ce dimanche 17 Janvier.

Le cas, sans précédent en France, interroge beaucoup les autorités sanitaires. Marisol Tourraine, ministre de la santé, promet des réponses d’ici la fin du mois, notamment sur les conditions de réalisation de ces essais. D’un point de vue éthique, le bilan est plus dur : aucun décès ne devrait arriver dans les phases de tests des médicaments.

Pour comprendre les conditions de ces essais, prenons le circuit de création d’un médicament :

  • Après avoir découvert l’actif aux propriétés prometteuses, des essais précliniques sont réalisés sur des animaux (in vivo), sur des cellules (in vitro) et sur informatique (in silico)
  • Un premier contrôle est réalisé par le comité consultatif de protection des personnes et par l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé(ANSM)
  • Un petit groupe de testeurs sains peut alors se porter volontaire pour une première batterie de tests (Phase I)
  • Vient le tour des testeurs malades pour estimer l’efficacité et la tolérance (Phase II)
  • Enfin la phase III : des essais qui évaluent l’efficacité et la tolérance dans les indications visées, sur un nombre de patients et pour une durée plus importants.
  • Une fois les essais validés, le laboratoire dépose une demande d’autorisation de mise sur le marché, ainsi qu’une évaluation du prix et du remboursement du médicament.

Il faut 10 à 15 ans pour créer un médicament une fois l’actif découvert. Tout est très surveillé et très administratif.

Revenons au cas de Rennes. Il s’agissait d’un essai clinique de phase I donc sur des volontaires sains. « Cet essai concerne une molécule destinée à soigner des troubles moteurs, maladies neurodégénératives et troubles de l’anxiété. Elle agit sur le système endocannabinoïde » annonce la ministre de la santé. Sur les 90 personnes volontaires de l’essai, 8 ont eu leur traitement augmenté, sauf 2 qui ont eu un placebo. Le 11 Janvier un premier patient se présentait à l’hôpital dans un état de mort cérébrale. 5 autres suivirent en présentant des troubles neurologiques et dimanche le premier décédait.

Un patient a été autorisé à rentrer chez lui car il ne présentait pas de signes de troubles neurologiques et 3 autres à « sont en mesure d’être suivis dans les services de neurologie d’établissements hospitaliers proches de leur domicile », a déclaré, lundi soir, le Pr Gilles Brassier, président de la commission médicale d'établissement du CHU de Rennes. Un dernier reste hospitalisé avec des troubles neurologiques importants et avec des séquelles probablement irréversibles.

Pour terminer par un aspect médical, les récepteurs cannabinoïdes, zone cible du médicament testé, sont aujourd’hui sources de nombreux débats dans les communautés scientifiques tant ils sont peu connus et visiblement dangereux, « mais ils offrent une voie de recherche très attrayante, dans le domaine de la douleur et celui des mécanismes neurologiques impliqués dans la mémoire, le sommeil, l'appétit, la dépression, etc. » (Pr François Chast)

Dr Xavier MOSNIER-THOUMAS
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